PLAIDOYER POUR LE DIALOGUE INTER-RELIGIEUX
Le Conseil Supérieur Islamique des Mosquées et des Affaires Islamiques (COSIM) et la Fondation Mohammed VI des Oulema Africains -Section Côte d’Ivoire-, ont organisé à Abidjan, le mercredi, le jeudi et le vendredi 23-24-25 février 2022, le Colloque International du Dialogue Inter-religieux, sous le thème : « Le Message Éternel des Religions ».
La cérémonie d’ouverture s’est déroulée en présence notamment du ministre, secrétaire général de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire, Abdourahmane Cissé, du ministre ivoirien de la Réconciliation nationale, Kouadio Konan Bertin, de l’ambassadeur du Maroc à Abidjan, Abdelmalek Kettani, du secrétaire général de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains, Mohamed Rifki, et du président du COSIM, Cheikhoul Aïma Ousmane Diakité, ainsi que de plusieurs autres personnalités.
L’objectif du colloque est double:
D’abord la consécration de la pérennité du Message Éternel de Paix des Religions envers la société ivoirienne, africaine et l’humanité tout entière.
Ensuite l’adoption entre les parties participantes d’une Charte de Paix [La Charte d’Abidjan]
Les organisateurs ont souligné -dans le texte de présentation- que d’emblée, ce thème est en soi une proposition agissante pour contribuer et participer à la concrétisation du dialogue inter-religieux entre les différentes confessions; et que le colloque est mu par une démarche hautement symbolique qui consacre les vertus exceptionnelles de ce mot magique de Dialogue.
Et d’ajouter que « de tout temps, les religions et civilisations se sont développées et enrichies à la faveur du dialogue et de l’échange, gagnant ainsi au contact avec les autres cultures, l’acquisition de nouveaux savoirs et d’une nouvelle compréhension du monde, nécessitant la coexistence dans la paix. Le Dialogue Inter-religieux doit sous-tendre la réponse collective de toutes les confessions au conflit et à la violence, souvent inspirés par l’intolérance et l’intransigeance. Le maître mot de Dialogue est choisi parce qu’il est la meilleure parade contre les pires ennemis de l’humanité.
Naturellement, le dialogue ne se fonde pas sur la prémisse que toutes les confessions sont toutes toujours d’accord sur tout, mais plutôt sur la considération qu’elles ont toutes un profond respect pour la diversité des cultures et pour les croyances qui reflètent cette diversité. Le postulat qu’une seule religion détient la vérité ou qu’il existe un seul remède aux maux de notre société ou encore qu’une solution unique aux problèmes de l›humanité, a fait beaucoup de tort tout au long de l’Histoire. Nous n’avons pas besoin de regarder au-delà de nos horizons pour constater ce fait incontestable et incontournable qu’il existe diverses visions du monde, diverses convictions et diverses cultures. C’est par le dialogue que s’accomplissent les convictions à partager. C’est par le dialogue que l’on s’accorde sur le meilleur, afin de concrétiser le bien commun. Nous partageons des valeurs fondamentales, car nous sommes issus d’un même Humanisme et d’un même Héritage Spirituel dont le dialogue constant sait pérenniser la vitalité.
Nos différentes traditions spirituelles puisent aux mêmes sources divines. Ce qui les rapproche est infiniment plus important que ce qui les sépare.
C’est en faisant mieux connaître nos points communs, nos origines communes, que nous pouvons reconnaître et accepter nos différences et nos divergences.
Nous vivons une communauté d’histoire, qui, depuis toujours, a témoig 4A4A0240 né d’un enrichissement mutuel. Le dialogue est la voie idoine de consolider cet enrichissement.
Nos cultures religieuses africaines partagent le même fondement éthique d›incitation à la rencontre, à l’échange et au respect d’autrui.
La tolérance, qui signifie un vrai respect, une pleine acceptation de l’Autre, est pour toutes les traditions une vertu essentielle.
Face aux grands bouleversements du monde d’aujourd’hui, que peuvent-nous apprendre les visions traditionnelles des religions sur le Message Éternel qu’elles ont su lier à l’histoire humaine ?
Comment peuvent-elles éclairer la nature singulière de l’époque contemporaine qui voit la nécessité du rapprochement de toutes les civilisations et traditions spirituelles ?
Le Dialogue Inter-religieux est un élément important pour rapprocher les différentes confessions et éliminer les sources de tout conflit. Il est un sujet d’une extrême importance, dans un monde en pleine recomposition, où mondialisation et globalisation ont succédé aux repères souvent commodes de la bipolarisation.
Il faut souligner que toutes les religions ont démontré, par des pas décisifs inéluctables, l’essence même du Message Éternel qu’elles ont voulu toujours véhiculer de manière constructive par le Dialogue.
Les traditions religieuses, de par leur Message Intemporel Universel, ont posé les bases d’un dialogue qui s’adresse à toutes les composantes humaines.
La Parole Divine, révélée aux hommes, respecte les spécificités de chacun. Elle appelle à la reconnaissance mutuelle qui œuvre par la sagesse et la douceur, mettant en avant l’amour du croyant pour toutes les créatures. La parole divine est riche d’exhortation au bon comportement envers toutes les créatures de l’univers.
C’était à vrai dire, la finalité même des « Prophéties » et des « Révélations ».
Le Dialogue Inter-religieux, est aussi pour nous la Sagesse.
Une Sagesse profitable pour les êtres signifie la reconnaissance authentique de l’Autre, en mettant en exergue le bien commun.
Pour cela, il n’est pas inutile de rappeler, que le Conseil Supérieur Islamique des Mosquées et des Affaires Islamiques (COSIM) et la Fondation Mohammed VI des Oulema Africains, ont toujours prôné la tolérance comme tradition d’ouverture.
Ils ont toujours œuvré pour le dialogue, la solidarité et surtout le travail dans l’amitié avec les autres confessions : Un travail assidu et sans relâche à accomplir pour que tous les fléaux de la haine et des souffrances ne viennent pas détruire nos espoirs et notre espérance en l’Avenir ; pour que nos enfants et les nouvelles générations, puissent vivre dans un monde sain, un monde de paix et de fraternité ».
2. Les thématiques du colloque
Les responsables du Conseil Supérieur Islamique des Mosquées et des Affaires Islamiques (COSIM) et de la Fondation Mohammed VI des Oulema Africains se sont mis d’accord pour le choix des thématiques du colloque; Des thématiques qui visent à aborder un domaine central de la société ivoirienne et africaine, selon un regard croisé, en guise de constat problématique, justifiant le dialogue constructif débouchant sur des actions concrètes :
1ère thématique : La famille et l’école
2ème thématique : La société civile ivoirienne et africaine
3ème thématique : La formation et la sensibilisation des cadres religieux
4ème thématique : Religions, communication et prédication
5ème thématique : Pouvoirs publics et acteurs religieux face au phénomène de la radicalisation et de l’extrémisme religieux violent
1ère thématique :
La famille et l’école
Il y a lieu de souligner que l’éducation est à la base du développement de tout être humain et de la société. De ce fait, les parents ont toujours été considérés comme étant les premiers éducateurs de l’enfant.
De par son importance pour l’avenir de la société ivoirienne et africaine, l’éducation occupe une place privilégiée, quand il s’agit, surtout, d’étudier la problématique de la transmission des valeurs religieuses, que ce soit au niveau des parents ou de l’école.
Deux institutions, donc, jouent ce rôle vital et ont des responsabilités éducatives formelles devant la loi et la société : la famille et l’école.
De nos jours, la relation parents-école, devient de plus en plus problématique dans une société ivoirienne et africaine contemporaine en proie à des bouleversements profonds qui affectent aussi bien la famille que l’école.
Quel que soit le credo religieux, la famille est le noyau de base où se façonne la socialisation et se forment la croyance, l’identité première, et l’image de l’Autre, notamment religieuse.
Les changements dans la structure de la famille ivoirienne et africaine modifient la répartition classique des rôles, des tâches et des responsabilités en son sein.
D’une part, l’avènement de la société d’information qui pose des défis sans précédent au système éducatif. La famille et l’école sont en plus constamment exposées à des facteurs d’influences externes, tels que les médias (la télévision, internet, les réseaux sociaux), la communauté, l’entourage familial, le clan, etc.
D’autre part, on sait que les rôles vitaux que jouent la famille et l’école sont parmi tous les facteurs qui endoctrinent l›instruction de l›enfant de sa naissance à l’âge adulte.
Néanmoins, avec les bouleversements profonds qui affectent aussi bien la famille que l’école, il y a lieu de constater l’existence d’une confusion croissante quant à leurs responsabilités respectives. On a le sentiment que tous les deux manquent souvent de repères, surtout face à des défis comme le fait de transmettre et d’ajuster les valeurs religieuses aux enfants.
Ainsi, le rôle de la famille et de l’école sont déterminants. Comment les aborder dans le sens de la proposition d’une série d’actions concrètes ?
2ème thématique :
La société civile ivoirienne et africaine
Le postulat de cette thématique, est la diversité sociale interdépendante et la solidarité dans la consolidation continue et propice à la sauvegarde de l’Unité Nationale (dialectique de l’Unité et de la Diversité).
Les religions et croyances, soutenues par le dialogue inter-religieux, sont une composante matricielle de cette diversité sociale, qui s’engagent pour la paix, et qui constituent le fondement même de la citoyenneté d’un État-Nation.
Il faut dire que l’apport que peut véhiculer la société civile ivoirienne et africaine, est, en soi, une caution de garantie pour préserver la paix et la sérénité entre les religions.
La stabilité et la prospérité d’une société, dépendent, fortement, d’une maturité sans faille, qui reconnaît que, pour vivre et s’accepter mutuellement, il est nécessaire d’admettre notre monde comme un réseau complexe de connexions et d’interdépendances dans lequel nos choix et nos actions peuvent avoir des répercussions positives sur tous les citoyens et communautés religieuses. La réalisation du bien commun, est indissociable du vivre-ensemble.
La participation citoyenne aide fortement, donc, à renforcer et à apporter une contribution active à la mise en place d’un monde plus pacifique, plus tolérant, plus inclusif et plus sûr.
Il s’agit, donc, de construire une société où les citoyens auraient la responsabilité de construire la paix durable entre toutes les religions et confessions. Une société qui respecte et protège la vie sacrée du citoyen.
L’engagement continu et irrévocable dans le dialogue inter-religieux, selon le credo religieux de chacun, donne une légitimité qui combat les préjugés favorisant les violences et affaiblissant le corps social.
Sans doute que le rôle de l’État est toujours central par un arbitrage positif, encouragé lui-même par cette alliance des religions pour ledit Message Éternel.
3ème thématique :
La formation et la sensibilisation des cadres religieux
Le champ religieux, en Côte d’Ivoire, comme presque dans tous les pays africains, se présente comme un espace éclaté, se traduisant par une diversité riche, dont les acteurs religieux gagneraient, -pour le bien de tous-, à dialoguer et à travailler ensemble pour transcender les appartenances et les isolements préjudiciables.
Partant du constat que le discours radicalisé, chargé d’animosité, de violence et de haine, véhiculé par des radicalisés de tout bord, souvent en rupture avec les institutions religieuses officielles, celles-ci ont la charge historique d’être unanimes face à ce danger qui constitue une rupture totale avec l’héritage de paix des ancêtres.
Ainsi, la nature des dangers touchant les idéaux de paix et les fondamentaux que défendent les religions, a complètement changé la donne, et constitue de nos jours une réalité tangible et une menace palpable pour nos sociétés africaines : Il s’agit bien de l’influence croissante des idées minoritaires de quelques groupuscules radicalisés qui investissent internet et les réseaux sociaux.
Les responsables religieux de toutes les confessions doivent s’adapter à cette réalité et faire appel ensemble et davantage aux techniques de communication spécifiques, surtout celles qui sont destinées aux jeunes. Ce qui nécessite un travail théologique des responsables religieux sur les concepts dévoyés de la religion, ou encore de créer des unités chargées de déconstruire le discours extrémiste en associant imams, prêtres et pasteurs.
Les responsables religieux de toutes les confessions doivent être conscients de la noblesse et de l’honneur que revêtent les missions de formation religieuse pour les cadres ayant la charge de les accomplir.
Des formations spécifiques, dont le rôle principal, est la pérennisation des justes pratiques du culte, la préservation de l’identité spirituelle de chacun, ainsi que l’enracinement des valeurs authentiques de tolérance fondées sur les principes de modération, du juste milieu, et qui renforcent, ainsi, l’unité et la solidarité de la société ivoirienne et africaine.
Les cadres et ministres de culte en général, -et quel qu’en soit d’ailleurs le credo-, sont convaincus que la formation qui leur permettent l’encadrement religieux des citoyens, est, en soi, une nécessité pour élever le niveau de leur savoir scientifique, d’enrichir leurs connaissances religieuses et de perfectionner leurs performances dans l’exercice de leurs fonctions.
Ils sont, ainsi, animés de la ferme volonté de bénéficier d’une formation d’excellence, à même de leur permettre l’acquisition des méthodes et des connaissances les dotant de l’aptitude à accomplir dans les normes authentiques, les missions qui leur incombent, surtout quand il s’agit d’approcher les citoyens de confessions différentes.
4ème thématique :
Religions,communication et prédication
La présente thématique s’intéresse à la relation complexe qui existe entre les religions et les médias confessionnels, qui s’inscrivent, en général, dans un vaste champ d’influences et de propagations.
Si les médias religieux apparaissent toutefois comme une façon d’approcher médiatiquement les fidèles, -ce qui leur revient de droit-, il est légitime aussi de se demander sur les possibilités à prospecter, en vue d’un travail de concertation global entre les religions, surtout aux sujets liés aux messages diffusant la paix, la prospérité et la solidarité entre les citoyens d’un même pays.
Cette démarche doit d’abord être globale et concertée, pour combattre l’incompréhension qui sévit, en général, entre les différentes religions et confessions.
A l’heure où les médias, symbolisés par internet, les réseaux sociaux, etc., ont envahi tous les espaces possibles, privés et publics, diffusant, par la même occasion, des lectures erronées des événements résultant des difficultés conjoncturelles que connaissent, surtout, nos pays africains, il devient impératif pour toutes les religions et confessions de chercher l’union, en vue de combattre la violence, la haine et le terrorisme.
La démarche du dialogue inter-religieux doit aussi chercher à combattre, ensemble, l’incompréhension et l’amalgame.
À l’heure où une lecture médiatique erronée de certains événements mondiaux liés aux religions, notamment en Afrique, qui sont dominés, en général, par la violence et le fondamentalisme religieux, confondant, ainsi, les religions avec le radicalisme, les différentes religions et confessions doivent unir leurs efforts pour combattre, ensemble, l’ignorance et tous les discours de haine.
Le dialogue inter-religieux ne doit pas être entretenu dans un espace clos sans écho médiatique et social.
Les programmes médiatiques bien étudiés doivent être le porteur naturel auprès des couches sociales et selon toutes les modalités médiatiques convenues (radio, TV, internet, réseaux sociaux, etc.).
L’apport direct des Autorités de l’État, en tant que noyau réceptacle, des collectivités locales, de la société civile, est primordial.
Les médias prolongeant la culture du dialogue inter-religieux traditionnel, doivent être, au sein de la société, plus audibles et plus visibles, divulguant, ainsi, l’unanimité des religions à protéger les fondamentaux immuables de la Nation.
Néanmoins, les différentes religions et confessions, sont interpellées par une série de questions :
5ème thématique :
Pouvoirs publics et acteurs religieux face
Au phénomène de la radicalisation et de l’extrémisme religieux violent
La paix est le message éternel des religions. Ce message s’appuie sur l’exigence du respect de la différence, comme nous l’enseignent les livres révélés.
Peut-être que de nos jours, le message n’est pas audible, d’où la nécessité d’une amplification en l’adaptant et en exploitant tous les supports modernes de communication.
La proposition portant sur la création d’émissions télé, radio, etc.
L’efficacité des résolutions du colloque est étroitement liée à la pertinence et la justesse de la problématique. Cette problématique est la suivante : « le rappel du Message Eternel des Religions est-il suffisant de nos jours, pour lutter efficacement contre le radicalisme et l’extrémisme violent qui menace la stabilité des communautés en Côte d’Ivoire et en Afrique ? »
L’extrémisme violent, associé à la religion, est un prétexte. La raison profonde peut être la paupérisation des populations et la répartition inéquitable des richesses.
Les auteurs d’une étude portant sur la radicalisation et la perception de la menace terroriste dans l’extrême Nord de la Côte d’Ivoire : « le cas de Bounkani », exhortent les Pouvoirs publics à inclure le fait religieux au centre de l’analyse globale du terrorisme, voire de lui accorder la primauté de la recherche et de l’observation.
L’étude révèle une radicalisation d’une partie de la jeunesse du septentrion ivoirien. Cette jeunesse y est décrite comme oisive, déscolarisée et sans aucune activité génératrice de revenus. En somme une jeunesse abandonnée, sans aucun encadrement. C’est donc un terreau fertile qu’exploitent les terroristes dans leur stratégie de pénétration, d’implantation : « exploiter la détresse des populations en y apportant des réponses concrètes » :
Fonds de commerce,
Boutiques,
Petits commerces, etc.
Face à une telle menace, « quelle collaboration Pouvoirs publics – Acteurs religieux pour un endiguement du phénomène de la radicalisation et l’extrémisme religieux violent des jeunes en Côte d’Ivoire et en Afrique » pourrait être une problématique opportune.




