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Le Maroc, royaume de toutes les tolérances (1)

Dr Mohamed Chtatou
Dr Mohamed Chtatou

Le Maroc est une vibrante mosaïque de cultures, à l’image de sa riche histoire, de sa situation géographique et de la diversité de sa population. C’est un pays où de multiples influences culturelles – arabes, amazighes (berbères), africaines subsahariennes, juives, andalouses et européennes – ont coexisté et se sont entremêlées au fil des siècles.

Les Amazighs sont les premiers habitants de l’Afrique du Nord, dont l’histoire remonte à des milliers d’années. Le tamazight, le tachelhit et le tarifit sont les principales langues amazighes, aujourd’hui reconnues comme officielles au même titre que l’arabe. L’art traditionnel amazigh comprend des bijoux complexes, des tapis, des poteries et des dessins au henné. Des célébrations comme Yennayer, le nouvel an amazigh, soulignent cette identité culturelle. Géographie : Les Amazighs vivent dans tout le Maroc, mais leur présence est particulièrement forte dans les montagnes du Rif, de l’Atlas et la vallée du Souss.

Les Arabes ont introduit l’islam au Maroc au VIIe siècle, qui est devenu la pierre angulaire de la culture marocaine. L’arabe, en particulier le dialecte marocain (darîja), est largement parlé et utilisé dans la vie quotidienne, l’éducation et la gouvernance. L’architecture, la littérature et les traditions culinaires marocaines sont profondément influencées par la civilisation arabo-islamique.

Les communautés juives vivent au Maroc depuis plus de 2 500 ans, apportant une contribution significative à la culture et à l’économie du pays. De nombreuses villes, comme Fès, Marrakech et Essaouira, possèdent des quartiers juifs historiques, des synagogues et des cimetières. Malgré l’émigration de la plupart des Juifs marocains vers Israël et d’autres pays au milieu du XXe siècle, leur influence reste visible dans la musique, la cuisine et l’artisanat.

Après la Reconquista en 1492, de nombreux réfugiés musulmans et juifs d’Andalousie se sont installés au Maroc. L’influence andalouse est évidente dans la conception des mosquées, des palais et des jardins marocains, ainsi que dans la musique traditionnelle comme la musique classique andalouse. Les ingrédients et les techniques de l’Andalousie ont enrichi la gastronomie marocaine, en particulier dans les pâtisseries et les desserts.

La présence géographique du Maroc sur les routes commerciales de l’Afrique subsaharienne a facilité les échanges culturels et économiques pendant des siècles. La musique gnaoua, enracinée dans les traditions de l’Afrique subsaharienne, est un genre célébré, en particulier à Essaouira, où se déroule le Festival des musiques du monde gnaoua. Des ingrédients comme le mil, le gombo et certaines épices reflètent les traditions culinaires subsahariennes.

Le Maroc a été un protectorat français et espagnol au XXe siècle, laissant un héritage dans la langue, l’architecture et l’infrastructure. Le français reste largement parlé et est souvent utilisé dans les affaires et l’éducation. L’espagnol est également répandu dans les régions du nord. Le tourisme, la mode et l’art européens continuent d’influencer les centres urbains comme Casablanca, Rabat et Tanger.

L’islam sunnite est la religion prédominante, les traditions soufies jouant un rôle important dans la vie spirituelle et les festivals comme le Moussem de Sidi Bou Saïd. Bien que la population juive ait diminué, les fêtes et les traditions juives sont encore honorées dans certaines communautés. Une petite communauté chrétienne existe, principalement parmi les expatriés et les migrants d’Afrique subsaharienne.

Le Maroc accueille des festivals qui célèbrent la diversité de son patrimoine : Festival de Fès des musiques sacrées du monde : met en lumière la musique spirituelle de diverses cultures. Festival des musiques du monde de Gnaoua : il célèbre la fusion des rythmes africains et des traditions marocaines. Festival Timitar : présente la musique amazighe aux côtés d’artistes internationaux.

La cuisine marocaine mélange les saveurs amazighes, arabes, andalouses, juives et subsahariennes. Les plats emblématiques comme le couscous, le tajine et la pastilla sont préparés avec des variantes régionales uniques. Les épices comme le safran, le cumin et la cannelle reflètent l’histoire du pays en tant que plaque tournante du commerce.

Le Maroc embrasse sa diversité tout en favorisant une identité nationale forte. Le roi Mohammed VI a souligné l’importance du multiculturalisme, notamment par le biais d’initiatives telles que : La reconnaissance de l’amazigh comme langue officielle en 2011. La préservation des sites du patrimoine juif. La promotion du dialogue interreligieux et de la tolérance.

Le multiculturalisme du Maroc témoigne de siècles de coexistence et d’échanges. L’identité du pays est un mélange dynamique de ses racines autochtones et d’influences extérieures, ce qui en fait une mosaïque culturelle riche et unique. Cette diversité est à la fois une source de fierté et une pierre angulaire de l’attrait mondial du Maroc.

Le pays carrefour

Le Maroc est un pays carrefour, un pays où se sont croisées différentes cultures, civilisations, langues, croyances et religions. Il est, et en a été ainsi depuis l’aube du temps. [i] Le Maroc est un modèle unique de coexistence et de convergence des cultures et des civilisations. Il a historiquement servi de carrefour où diverses influences – notamment les civilisations amazighe, arabe, musulmane et judéo-chrétienne – s’entremêlent et s’enrichissent mutuellement, ce qui en fait une synthèse vivante de divers héritages culturels. [ii]

Pour le magazine français L’Express, le Maroc, dans son ensemble, est un trait d’union naturel entre l’Afrique et l’Europe : [iii]

‘’ La très grande proximité géographique du Maroc avec l’Europe (14 kilomètres, via l’Espagne), confortée par les divers réseaux de communication et d’échange, denses et fortement structurés avec ce continent, confèrent au Maroc une place particulière de trait d’union naturel entre l’Europe et l’Afrique. Par ailleurs, son appartenance à la  »  » -Afrique du Nord-Moyen Orient – donne au Maroc un ancrage particulier parmi les autres pays du pourtour méditerranéen et le statut singulier d’un pays-carrefour des civilisations arabo andalouse et occidentale-‘’

En effet, il a connu des influences culturelles amazighes, arabes, juives, méditerranéennes et africaines dont s’enorgueillit la culture marocaine. A cette diversité culturelle s’ajoute une diversité géographique. En effet le Maroc compte des paysages diversifiés, du désert aux montagnes en passant par les plaines fertiles qu’encadrent des côtes étendues sur 3 500 km de long.

Le Maroc fut à différentes périodes de son histoire millénaire, investi par les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Arabes, les Portugais, les Espagnols et les Français. Même les Allemands, furieux du partage de la Conférence d’Algésiras du 7 avril 1906, qui plaça le Maroc sous la protection de grandes puissances européennes (douze dont la France, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie) sous couvert de réforme, de modernité et de l’internationalisation de l’économie marocaine, et qui ne leur confia aucune partie du « gâteau Maroc », vinrent au large des côtes marocaines du sud afficher leur mécontentement de puissance coloniale en gestation, en bombardant la ville d’Agadir le 13 juillet 1911 par une de leurs canonnières portant le nom de Panthera. [iv]

Au début du XXe siècle, le Maroc est un centre d’intérêt impérial pour les puissances européennes, en particulier la France et l’Espagne. [v] Le déclin de l’Empire ottoman et les troubles internes au Maroc le rendent vulnérable aux interventions étrangères. En 1912, le Maroc devient officiellement un protectorat de la France, l’Espagne prenant le contrôle des régions septentrionales, ce qui marque un changement important dans sa souveraineté et reflète les modèles plus larges de colonisation de l’Afrique par les nations européennes.

Pour Michel Boutbol, l’empire chérifien a pris beaucoup de valeur aux yeux des puissances européennes : [vi]

‘’L’Angleterre y détenait une part prépondérante : 57 à 69 % des exportations (laines, grains, peaux, huiles, plumes d’autruche) et 60 à 87 % des importations (sucre, thé, cotonnades) ; puis autour de 70 % de l’ensemble des échanges jusqu’à l’effroyable famine de 1878-1880. Elle était suivie par la France qui accaparait 20 % du commerce marocain à la fin des années 1870, laissant loin derrière elles l’Espagne, le Portugal et l’Italie. Grâce à sa balance des paiements excédentaire, le Makhzen put rembourser sans trop de difficultés sa dette à l’Espagne ainsi que l’emprunt anglais. Le solde commercial, ajouté au montant des nouveaux impôts ruraux et urbains (meks ou « droit de portes » prélevé sur les charges de marchandises venant de l’intérieur) instaurés au lendemain de la guerre avec l’Espagne, lui permit notamment de financer les premières réformes militaires et administratives introduites par Sidi Mohammed et son fils Moulay Hassan. L’état des finances royales s’améliora encore une fois passée la crise de 1878-1880, lorsque le royaume chérifien remboursa la dernière tranche de la dette espagnole, en 1884. Il se débarrassa du même coup des très corrompus recaudadores espagnols dont les agissements grevaient lourdement les recettes douanières.’’

Ces multiples rencontres avec d’autres cultures et d’autres langues et races ont cultivé chez le marocain moyen un intérêt pour l’autre et sa civilisation et par voie de conséquence un attachement à la diversité culturelle. Donc la diversité culturelle n’est pas quelque chose de nouveau pour le marocain moyen mais sa notion est bien enfouie dans son passé, son subconscient et sa culture. Cette notion peut être décelée dans son langage quotidien, ses faits et gestes et mêmes ses croyances religieuses, sans pour autant oublier son patrimoine matériel ou immatériel. [vii]

En 1976, le roi Hassan II a dit :

‘’Le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents de l’Europe’’. [viii] 

En effet, le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément en Afrique et ses branches respirent l’air de l’Europe. Ainsi, il est en passe de devenir un carrefour économique pour l’Europe afin d’accéder aux marchés africains, très prometteurs pour l’avenir et aussi un passage africain vers les marchés européens et les temples de connaissance de ce continent.

L’Afrique n’a jamais cessé d’occuper une place précieuse dans le cœur des Marocains. Depuis l’accession au trône de Sa Majesté Mohammed VI en 1999, il a effectué d’innombrables visites d’Etat et de travail dans plusieurs pays africains. Toutes ces visites témoignent de son vif intérêt pour les peuples du continent et, surtout, de sa vision stratégique du développement, de la coopération et de l’amitié séculaire. Elles illustrent surtout le succès de la coopération fraternelle Sud-Sud du Maroc. Cette vision s’est illustrée par deux initiatives phares récemment : l’Initiative Atlantique [ix] et le pipeline atlantique (Le projet de Gazoduc Africain Atlantique).[x]

Pour Safia B., le Maroc est une sorte de fruit recouvert de plusieurs couches qui ont su s’amalgamer et créer cette richesse culturelle qui lui est propre :    [xi]

‘’Le Maroc, tout comme ses pays voisins d’Afrique du Nord, a la particularité d’avoir connu sur son territoire (de son plein grès ou malgré lui) une multitude d’ethnies, de langues, de religions et de civilisations. Le Maroc serait une sorte de fruit recouvert de plusieurs couches qui ont su s’amalgamer et créer cette richesse culturelle qui lui est propre. L’arabe dialectal dit darija en est un parfait exemple ; l’accouplement du tamazight et de l’arabe, et l’apport supplémentaires d’autres langues dont le français et l’espagnol fait du dialecte marocain le modèle linguistique de cette identité multiple.

Mais au-delà du langage, le Maroc se trouve dans une position géographique tout aussi complexe : espace de transition, à un détroit de l’Europe, il est le pays nord-africain situé le plus à l’ouest, bordé par la mer Méditerranée, l’océan Atlantique et le Sahara, le Maroc se nourrit donc de tous ces espaces disjoints. On pourrait dire qu’il n’est ni Africain, ni Européen, ni Arabe, ni Amazigh, ni aride, ni abondant mais tout à la fois et parfois l’un plus que l’autre[MC1] .’’

En 2030, Le Maroc, l’Espagne et le Portugal auront l’honneur d’organiser la Coupe du Monde de Football. Cette activité sportive aura pour effet de lier l’Afrique à l’Europe sur les plans politique, économique et culturel et faire de la métaphore de feu Hassan II une réalité civilisationnelle, surtout si le tunnel qui liera les deux continents est construit par les trois pays à temps. Il est important de savoir que le Maroc a été dans la presqu’il ibérique de 711 à 1492, et que la civilisation hybride de cette rencontre a donné lieu à l’union des religions abrahamiques : convivencia [xii] et à celle des cultures : le Pacte [xiii] de Cordoba.[xiv]


[i] Chtatou, Mohamed. (2009). La diversité culturelle et linguistique au Maroc : pour un multiculturalisme dynamique. Asinag, 2, 149-161. Récupéré de https://www.ircam.ma/sites/default/files/doc/asinag-2/mohamed-chtatou-la-diversite-culturelle-et-linguistique-au-maroc-pour-un-multiculturalisme-dynamique.pdf

[ii] IRES. (2019). PANORAMA DU MAROC DANS LE MONDE. Les relations internationales du Royaume. Récupéré de https://www.ires.ma/iip/wp-content/uploads/2023/05/RS-RI-Vers.-2019.pdf

[iii] L’Express. (2010). Les 10 points clefs du Maroc. Récupéré de  https://www.lexpress.fr/monde/afrique/les-10-points-clefs-du-maroc_1380353.html

[iv] Pour les détails les plus diverse, de la conférence, voir le document, avec abondante information « Chronique de la Conférence », MEE, TR XX/38, Caisse 334.

[v] Julien, Charles-André. (1978). Le Maroc face aux impérialismes : 1415-1956. Paris : Éditions J. A.

[vi] Abitbol, M. (2014). La société marocaine à l’épreuve du premier choc européen (1856-1878). Histoire du Maroc. (p. 323-366). Perrin. Récupéré de https://shs.cairn.info/histoire-du-maroc–9782262038168-page-323?lang=fr.

[vii] Chez les Rifains aghrîb, l’autre, l’étranger, le voyageur, etc. ne bénéficie pas seulement de la protection du clan ou de la tribu, mais aussi du droit d’habitation et de vie sur son territoire. Cela fait partie du code de l’honneur de chaque entité clanique et tribale que les bardes chantent durant les festivités tels les mariages les circoncisions et les baptêmes.

[viii] Alaoui, Hassan (Hassan II). (1976). Le Défi. Paris : Albin Michel.

[ix] L’Initiative Atlantique, initiée par le Maroc, vise à renforcer le développement des pays du Sahel en favorisant leur appropriation du processus de développement. Cette initiative reflète la vision du Roi Mohammed VI d’améliorer l’accès et l’action collective parmi les nations africaines de l’Atlantique.

Cf. Machrouh, Jamal. (2024). L’Afrique atlantique : une réflexion autour des indispensables leviers d’action. Policy Center for the New South, Policy Brief, 15(24). Récupéré de https://www.policycenter.ma/sites/default/files/2024-05/PB_15-24_Jamal%20MachrouhV2%20.pdf

[x] Le gazoduc de 5 600 kilomètres devrait couvrir 16 pays – dont la plupart se trouvent le long de la côte atlantique. Il sera également connecté au gazoduc Maroc-Europe et au réseau gazier européen. Le gazoduc vise à bénéficier à plus de 340 millions de personnes, le Maroc hébergeant 1 672 kilomètres du tracé.

Cf. Tilouine, Joan. (2017, 17 mai). Gazoduc Maroc-Nigeria : l’avenir de l’Afrique de l’Ouest ou chimère ?  Le Monde.fr. Récupéréde https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/17/gazoduc-maroc-nigeria-l-avenir-de-l-afrique-de-l-ouest-ou-chimere_5129337_3212.html

[xi] B., Safia. (2022).  Hassan II et la métaphore de l’arbre : reflet de l’identité plurielle du Maroc. Dune. Récupéré de https://www.dunemagazine.net/articles/hassan-ii-et-la-metaphore-de-larbre

[xii] Chtatou, Mohamed. (2024). ‘Convivencia’, What Is It All About? – Analysis. Eurasia Review. Récupéré de https://www.eurasiareview.com/29072024-convivencia-what-is-it-all-about-analysis/

[xiii] L’« esprit de Cordoue » fait référence au riche patrimoine culturel, historique et intellectuel de Cordoue, en Espagne, qui était autrefois un important centre d’apprentissage et d’échanges multiculturels pendant l’âge d’or islamique. Ce thème est souvent exploré à travers diverses formes d’art, d’architecture et d’éducation, soulignant les contributions de la ville à la philosophie, aux sciences et aux arts.

[xiv] Chtatou, Mohamed. (2024). Rekindling The ‘Spirit of Cordoba’ – Analysis. Eurasia Review. Récupéré de https://www.eurasiareview.com/03092024-rekindling-the-spirit-of-cordoba-analysis/

A suivre

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